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Honfleur - Orgue Cavaillé-Coll-Mutin (1902) de l'église St Léonard

Maître d'ouvrage : DRAC Basse Normandie.

Maître d'œuvre : Monsieur Jean-Pierre Decavèle, Technicien-Conseil.

Orgue de Cavaillé-Coll-Mutin (1902), classé Monument Historique. Restauré en 1995.

État juillet 2007 après restauration de la voûte de l'église (notez les gravats...) :
honfleur
Grand-Orgue
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Moteur des basses
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Tuyauterie du Récit

Table des matières :

Composititon

Grand-Orgue, 56 notes :

Montre 8 Prestant 4 Bourdon 16
Bourdon 8 Flûte Harmonique 8 Salicional 8

Récit expressif, 56 notes :

Cor de nuit 8 Gambe 8 Voix Céleste 8
Flûte Octaviante 4 Octavin 2 Fourniture IV rgs
Basson 16 Trompette 8 Clairon 4
Basson Hautbois 8  

Pédale, 30 notes :

Soubasse 16 Flûte 8 Violoncelle 8
Basson 16  

Tirasse GO, Tirasse Rt, Accouplement Rt/GO 8 - 16, Trémolo, Appel-renvoi des anches.

Historique

L'orgue de l'église Saint Léonard de Honfleur a été reconstruit en 1901 par le facteur Charles Mutin, successeur de Cavaillé-Coll. Il a repris un nombre importants d'éléments anciens qui se trouvaient dans l'orgue précédent dont on peut rapidement dresser l'inventaire :

  • Orgue d'origine : Ducroquet 1854, reste le Prestant, le Plein Jeu, la Trompette et le Hautbois;
  • Orgue de Merklin 1878 : La Montre, la Flûte Harmonique, des éléments de la Gambe, du Diapason, du Basson 8.

L'orgue de Honfleur appartient à la production des premières années après la mort d'Aristide Cavaillé-Coll, on retrouve la plupart des procédés techniques mis au point au sein de la célèbre fabrique et la qualité du travail est irréprochable. La réutilisation des éléments anciens a pourtant posé de nombreux problèmes sur le plan de la tuyauterie. On peut rapprocher cet orgue de l'orgue de Lille, récemment restauré, dont l'historique est assez proche et dont certains éléments de tuyauterie se retrouvent à Honfleur.

Descriptif interne

Etudes préalables :

L'étude préalable consiste en une coupe de profil, un relevé de tuyauterie et un descriptif de démontage.

La coupe de profil au 1/20 est relevée sur ordinateur portable, la précision du détail étant de cinq millimètres. Nous avons établi en réalité 4 coupes qui correspondent aux quatre postes suivants : structure interne, parcours du vent, mécanismes des jeux, mécanismes des notes.

Le relevé de la tuyauterie, note à note, jeu par jeu consiste en la mesure d'une dizaine de paramètres sur chacun des tuyaux. Chaque jeu est relevé sur un tableau qui permet une étude comparative entre eux ou avec d'autres instruments, les paramètres mesurés sont ceux utilisés pour la fabrication des tuyaux. La production de Cavaillé-Coll était très organisée, les tailles des jeux de cette entreprise étaient établies par référence à des tables de progression (le diapason de référence est spécifié sur le tuyau le plus grave).

Toutes les pièces de l'instrument étant en place, il n'y a pas eu de recherche pour une quelconque restitution.

Le buffet :

Le buffet est la seule partie visible de l'orgue, pour le visiteur, c'est le seul élément d'appréciation. Celui de Saint Léonard est, très vraisemblablement, de fabrication locale. Le cintre principal correspond au buffet d'orgine, l'ensemble est d'une seule pièce, collée. À ce premier buffet furent ajoutés les deux plates faces de chaque coté dont la structure est assez légère et qui est assemblée par vis. Les éléments décoratifs ne sont pas terminés, certaines claires-voies n'ont pas été découpées.

La restauration du buffet s'est faite en trois étapes :

  • Nettoyage et traitement : nettoyage à l'aspirateur et à l'éponge humide, traitement interne par un produit fongicide et insecticide (pulvérisation);
  • Restauration des éléments abîmés : l'ensemble du buffet est vrillé, à cause de l'affaissement de la tribune. La partie avant est plus basse de 8 centimètres par rapport à l'arrière et les côtés ressortent plus en bas qu'en haut. Tous les châssis de côté sont donc voilés. Il a fallu reprendre chaque porte pour assurer la fermeture du buffet;
  • Restauration du revêtement de finition. Un vernis avait été mis sur toutes les parties accessibles depuis une échelle, sans enlever la façade. Si bien que seule une moitié de l'orgue se trouvait protégée et quelques tuyaux aussi.... La partie haute ne semblait pas avoir reçu de finition. L'ensemble a été protégé par un vernis gomme laque et les côtés sont repeinds.

Le parcours du vent :

L'orgue est un instrument à vent. Son fonctionnement dépend d'une soufflerie sous pression, mue par un ventilateur électrique. Depuis la sortie du ventilateur jusqu'au tuyau, il faut assurer l'étanchéité du parcours. Dans la plupart des restaurations, c'est un poste important. En effet l'étanchéité est obtenue par des joints de peau de mouton et la durée de vie des peaux est d'environ un siècle pour les orgues les mieux construites.

Les éléments les plus importants sont les réservoirs, ce sont des caissons en bois ayant la forme d'une lanterne vénitienne. Une série de châssis forme l'armature et ceux-ci sont reliés entre eux par des lattes de bois appelées éclisses. Les éclisses sont collées entre elles et sur les châssis par des bandes de peaux chanfreinées de façon à leur permettre de se replier. Les extrémités, les aines ou les nez suivant que le pli est rentrant ou sortant sont colmatées par de larges peaux, ici doublées. L'ensemble est encollé à la colle chaude de nerf/os et habillé extérieurement d'un papier.

Les deux réservoirs sont superposés, le premier à pli unique assure la réserve en vent, il reçoit l'air de deux pompes à pied situées en dessous (aujourd'hui du ventilateur). Sa pression interne est de 105mm. Des ressorts à lames compensent l'absence de deuxième pli. Il est relié au deuxième réservoir par un gosier à plis muni de soupapes de régulation. Ce deuxième réservoir est à double pli. La fonction de ce réservoir est de garantir pour tout l'orgue une pression de 92mm de colonne d'eau. Cette pression est obtenue par des poids en fonte.

Les quatre sommiers sont alimentés par le même portevent en bois situé au milieu des sommiers. Un gosier à 9 plis assure le transit du réservoir au portevent. Les moteurs des basses et la machine Barker sont aliméntés indépendamment par des portevent en zinc. Ceux de la machine Barker ont été restitués.

Les sommiers :

L'étude préalable a fait apparaître des lésions sur tous les sommiers, tant au Grand-Orgue qu'au Récit. Au démontage, il s'est avéré que des trous de décharge avaient été percés dans les dessus pour masquer les emprunts. Néanmoins, les tables ne présentaient pas de décollement, les emprunts semblant provenir du décollement des flipots de soupapes et de l'enchapage. Par sécurité, les sommiers ont été transportés en atelier et les gravures ont été réencollées. Les trous de la table étant masqués, chaque gravure est noyée de colle chaude, on ouvre les trous et on laisse s'écouler la colle. Cette opération doit se réaliser rapidement, dans une atmosphère très chaude. On laisse le sommier sécher environ deux à trois semaines. Pendant ce temps toutes les pièces mécaniques peuvent être restaurées : dressage des soupapes, remise en peau du joint de fermeture, nettoyage des pièces en laiton à l'acide chromique ou remplacement pour celles qui sont trop abîmées.

Au remontage, la table et le siège des soupapes sont dressés à la varlope pour obtenir une parfaite planéité. Les tables n'ont pas de peau et se trouvent donc bois sur bois avec le registre. Il faut varloper soigneusement chaque élément au fur et à mesure du remontage de façon à ce que chaque pièce plaque totalement sur l'autre, sans aucun défaut. Dans la phase finale, pour que le registre puisse glisser entre la table et la chape, la chape est calée avec du papier pour laisser un léger jeu et l'ensemble est graphité. Lors de la phase de remontage sur place, nous avons constaté que la course des registres ne permettait pas de les ouvrir totalement. Pour certains d'entre eux seulement la moitié des trous étaient découverts. Nous ne pouvions pas laisser ce défaut qui, non seulement empêchait les tuyaux de parler correctement, mais provoquait aussi de nombreuses filures. Il semble que la mise en place de l'instrument sur cette tribune à la planéité douteuse ait posé de multiples problèmes d'aplomb et d'équerrages, la charpente se serait refermée comme un livre modifiant ainsi toutes les données du montage d'atelier.

Les jeux de la pédale sont tous empruntés soit sur les jeux du Grand-Orgue pour les fonds soit au Basson 16 du Récit. L'emprunt se fait par le système de double soupapes à l'intérieur de cases situées au dessus de la chape. Ce système est tributaire de l'ouverture des dites soupapes, simples carrés de peau collés sur une charnière. La souplesse des charnières est un élément déterminant pour le bon fonctionnement.

Les basses sont placées sur deux pièces gravées alimentées par moteurs pneumatiques de chaque côté des sommiers.

Le parcours mécanique :

Le parcours mécanique est direct pour le Récit. Au Grand-Orgue, la mécanique passe passe par l'intermédiaire d'une machine pneumatique Barker. La première impression face à la mécanique est celle de la complexité. La console est tournée face au chœur, elle est très proche du meuble et aurait pu être décalée d'une vingtaine de centimètres supplémentaires pour donner plus d'aisance à l'organiste. A l'intérieur de la console, se trouvent les balanciers de tirasse et de renvoi de la Pédale. Une barre d'équerres sous la console puis à l'entrée du buffet permet un renvoi du Grand-Orgue sur la machine Barker, de la Pédale sur un abrégé de répartition et du Récit vers les balanciers d'accouplement 8 et 16.

La Barker aboutit, par l'intermédiaire de pilotes foulants et de balanciers à un abrégé de répartition qui distribue la mécanique sur des balanciers d'appel et, enfin, aux soupapes. Le Récit est commandé par un double renvoi d'équerres et un double abrégé pour échapper les gosiers.

La mécanique des tirages de registre est, comme dans tous les petits instruments de Cavaillé/Coll, une succession de sabres puis de rouleaux de renvois.

La tuyauterie :

Dans le cadre d'une restauration, le travail du facteur d'orgues consiste en une gestion de l'existant. La restauration se doit de résoudre tous les problèmes d'affaissement, de soudures cassées, de tuyaux déchirés, décalés ou même totalement disparus sans modifier la structure initiale.

Dans le cadre de St Léonard le patrimoine existant est en bon état. Mis à part l'affaissement du Basson 16 et du Clairon 4 ainsi que la présence de pieds lépreux dans la tuyauterie d'origine Ducroquet. Seul un tuyau de façade, réencollé à la caséine et totalement boursouflé, a dû être remplacé, les trois autres tuyaux dans le même état ont pu être sauvés.

Les opérations les plus simples sont réalisées en atelier. Celles touchant à la modification sonore sont réalisées sur place après écoute. Le nettoyage se fait à l'air comprimé et au jet d'eau. Les tuyaux ne sont pas soumis à des produits détergents ou caustiques qui pourraient entraîner, à long terme, des réactions d'oxydation. L'alliage d'étain et de plomb est ici dans une proportion de 80% d'étain, pour les principaux et les anches de Mutin, probablement plus faible pour les ceux de Merklin et de Ducroquet (70%) et en étoffe pour les bourdons (35%).

La part de matériel ancien réutilisé a entrainé l'harmoniste à une recoupe voire une refonte de la tuyauterie pour l'intégrer au nouvel instrument. Nous avons constaté la présence de tuyau de rajout, dont pour certains on peut se demander s'ils n'ont pas été fabriqués sur la tribune. La hauteur des bouches a été largement forcée sur le Prestant et la Montre rendant ces deux jeux très instables à l'accord.

Du fait des problèmes de réglages des courses de registre, les données de l'harmonie n'étaient pas très cohérentes. Nous avions constaté des différences d'ouverture au pied entre les côtés d'un même jeu, différences dues au manque d'ouverture du registre, l'impression sonore était celle d'un instrument très sombre, pâteux et déséquilibré, les basses étant nettement prédominantes. La correction de l'ouverture des registres a donné aux dessus une nouvelle vigueur. Nous avons commencé par une simple égalisation en prenant pour base les tuyaux les plus faibles. L'écoute nous a permis de constater que l'ensemble prenait de la cohérence et, finalement, nous avons très peu modifié la ligne harmonique qui devait être celle établie au départ en atelier. Le travail des jeux d'anches a été délicat, les épaisseurs de languettes sont fortes et pas toujours très suivies, la pose de carton sur le canal ne permet pas de le dresser correctement. Le Hautbois n'avait pas été retravaillé et sa sonorité était peu stable. La présence de nombreuses peaux dans les canaux, de différences de longueurs d'assujettissement des boîtes et des corps, prouve que l'harmoniste a eu beaucoup de difficultés à asseoir son harmonie. La plupart des défauts ont été gommés pour ne conserver que la qualité d'un fond d'anches expressif extrêmement profond.

Le diapason moyen s'est établi à 440Hz à 19°C. La partition étant réalisée sur le Diapason, seul principal réellement stable.

© Manufacture Bretonne d’Orgues. Tous droits réservés.