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Restauration de l'orgue Skinner du château de Candé

MONTS (37), propriété du Conseil Général d'Indre et Loire.

Table des matières :

Composition

Great, 61 notes :

Diapason 8 Chimney Flute 8 Cello 8
Cello Celeste 8 Flûte Harmonique 4 Piccolo 2
Bassoon 16 Tuba 8 Vox Humana 8
Clarinet 8 English Horn 8 Corno d'Amore 8
French Horn 8 Chimes  

Swell, 61 notes :

Celesta Diapason 8 Gedeckt 8
Salicional 8 Harp 8 Voix Céleste 8
Flûte Céleste 8 Octave 4 Mixture III rgs
Cornopean 8    

Pedal, 32 notes :

* en emprunt
Contrabass 16 Bourdon 16 Cello 8*
Gedeckt 8 Trombone 16 Bassoon 16*
Chimes*    

Solo, 61 notes :

  • en emprunt au Swell :

    Mixture III rgs Voix Céleste 8 Salicional 8
    Diapason 8 Harp  

  • en emprunt au Great :

    Vox Humana 8 Clarinet 8 Corno d'Amore 8
    Bassoon 16 Flûte Harmonique 4 Chimney Flute 8
    Diapason 8    

Historique

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Dans la chambre du Grand-Orgue

Construit par la célèbre entreprise américaine Skinner en 1928, l'orgue du château de Candé porte le numéro d'opus 718. Il fut acheté par un homme d'affaires français ayant fait fortune aux Etats-Unis; Charles-Eugène Bédeaux.

Pour l'historique complet de l'instrument vous vous reporterez avec profit à l'étude réalisée par Eric Brottier et Antonin Chaberlot sur ce lien. La restauration de l'orgue a été le fruit d'une étroite collaboration entre notre entreprise et les facteurs américains Nick Thompson-Allen et Joseph Dzeda.

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Nick Thompson-Allen
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Joseph Dzeda

Restauration

Comme a pu nous le dire Joseph Dzeda dès le début des travaux «ne vous mêlez pas de changer quoique ce soit en aucune façon dans cet orgue. Ne perdez jamais à l'esprit que la conception de cet instrument est le fruit de plusieurs années de mise au point par les ingénieurs qui travaillaient avec Ernest Skinner».

L'univers technique de Skinner ne nous est pas totalement étranger, car dès les années 1930, les facteurs français ont «emprunté» certaines idées de Skinner. On retrouvera donc les membranes et les contacteurs chez Convers, puis chez Beuchet ou Jaquot-Lavergne. La différence vient essentiellement de la pression utilisée. Avec un fonctionnement à une pression (ou plutôt une compression puisque le système des membranes est entièrement dépressif) entre 190mm et 260mm de colonne d'eau, la réactivité des éléments est bien supérieure à nos systèmes qui fonctionnent avec au grand maximum 110mm.

Cette forte pression permet d'utiliser des vidanges en cascades qui accentuent la répétiton des transmissions. La première vidange est celle de l'électro-valve, laquelle vide l'air contenu dans les canalisations d'un diaphragme (petite membrane en toile caoutchoutée). L'électro-valve est directement activée par le contact électrique transmis depuis la console. A chaque note correspond un électro-aimant. Le diaphragme vidange une membrane en peau sciée, cette membrane vide l'ensemble des canalisations qui traversent le sommier. En fonction du jeu appelé, la membrane située sous chaque tuyau concerné se vide et s'ouvre au pied du tuyau.

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Restauration des membranes

Ce schéma reste simple lorsqu'à chaque plan sonore correspond un sommier. Mais à Candé, tous les sommiers sont multiplexés. Cela signifie qu'un même sommier sert pour deux, voire trois plans sonores. Le génie des ingénieurs de Skinner est d'avoir mis au point un système de soupapes extrêmement fiable qui permet de jouer indifféremment les jeux sur les différents plans sonores sans incidence aucune sur la répétition, le débit ou les possibilités d'emprunt. Ces soupapes sont des tourillons en bois qui coulissent à l'intérieur des canalisation sur des bagues en laiton. Ils sont munis à leur extrémité d'une peau qui occulte les canaux lorsque les jeux ne sont pas appelés et les ouvre lorsque le jeu est en fonctionnement. Et ce, par le simple fait de la pression.

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Pilotins d'appel des registres

La restauration des sommiers a consisté à remplacer l'intégralité des peaux des membranes, des toiles des diaphragmes et des écrous des valves. L'orgue ayant été très peu joué, il n'y avait pas de dégradations au niveau des soupapes d'emprunt (au bout de 40000 à 50000 heures d'utilisation, les peaux se découpent et n'operculent plus les canaux).

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Switches état d'origine
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Switches après restauration

Sur le plan du fonctionnement électrique, il faut bien avoir à l'esprit, que l'orgue de Candé fonctionne comme un ordinateur mais sans aucun composant électronique. Tout signal électrique doit passer par un ou plusieurs relais électro-pneumatique depuis la source jusqu'aux électro-aimants. Il y a donc des relais partout et à tous les niveaux. Depuis la console avec les relais nécessaires aux accouplements, tirasses, octaves graves et aïgues, en passant par les relais inverseurs de fonction (ils permettent de passer du mode de jeu manuel aux modes automatique ou semi-automatique), puis aux relais de notes ou d'accessoires. Ces relais sont disposés dans ce que l'on appelle la chambre des contacteurs. Enfin, au niveau des sommiers se trouvent encore des relais de répartition vers les moteurs auxilliaires. Chaque relais est une source de panne. Non seulement, il a fallu remettre en peau l'intégralité des contacteurs et des soufflets mais tous les fils et reglets ont été nettoyés, testés, ressoudés; les communs ont été fourrés par un tube argent afin d'améliorer le contact trop aléatoire du bronze.

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Tableau de commutation

La transmission de l'appel des registres est identique à celle des notes avec, en plus, la présence d'un combinateur pneumatique à étoile. Ce système ressemble au combinateur Mutin mais miniaturisé puisqu'il tient derrière les tirants de registres dans la console.

L'appel du registre se fait note à note par l'intermédiaire du pilotin à simple soupape (zone rouge du dessin). Lorsque le registre n'est pas appelé, le pilotin est sous pression et va operculer la canalisation de vidange.

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Tirage des registres
et combinateur

Ce qui va attiser la curiosité du visiteur lors de sa visite, c'est l'aspect très soigné de l'instrument. Les ateliers de Skinner fonctionnaient d'une façon presque industrielle. C'était indispensable pour pouvoir produire, par an, l'équivalent de 30 orgues comme celui que nous avons sous les yeux. La finition devait être parfaite. Chaque élément est soigneusement vernis, offrant au regard une surface lisse et chaude. Le pin de Californie et le pin d'Oregon ont naturellement cette texture orangée, renforcée par l'utilisation du vernis gomme laque. Les tuyaux en bois, en zinc ou en alliage d'étain et de plomb sont, eux aussi, vernis. Les surfaces des murs sont soigneusement laquées. Tout cela est destiné à offrir à l'espace dans lequel se développe le son la meilleure réverbération afin qu'il ne reste pas prisonnier dans les chambres. Il va donc, naturellement, s'échapper vers la tone-chute et s'expanser dans la bibliothèque.

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Sommiers du Grand-Orgue et
de la Pédale en cours
de remontage

Mais quel est ce son typiquement américain ?

Il y a dans l'orgue trois types de corps sonores  :

  • les fonds.

    Ce sont les tuyaux dont le fonctionnement est équivalent à celui d'une flûte, avec une bouche et un biseau. Ces tuyaux ne sont pas très différents de nos orgues. Ils recoivent une pression de 189,5mm d'eau mais les pieds sont tellement fermés que leur pression interne ne doit pas dépasser 80mm. Les bouches sont assez hautes, les biseaux dentés. Les tailles sont plutôt extrêmes (très étroites ou très larges). On peut noter le grand nombre de jeux ondulants : un Cello Céleste à chaque clavier et une Flûte Céleste au Swell. Tous les jeux célestes sont dis-accordés vers l'aïgu mais à des cadences différentes.

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    Les fonds du Récit
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    Détail d'une bouche
  • les anches.

    Il s'agit de tuyaux aux formes et longueurs variées qui fonctionnent à l'aide d'une anche battante sur un canal. Ernest Skinner adorait les anches et travaillait à la création de nouveaux timbres pour se rapprocher le plus possible des instruments de l'orchestre. Son jeu fétiche est le French Horn, mélange de jeu d'anches qui se termine en flûte ouverte. Le travail sur ces jeux est assez éloigné des caractéristiques françaises. Le Tuba, le Trombone et le French Horn recoivent une pression de 254mm, les autres se contentent de la pression des jeux de fonds (189,5mm). Les canaux sont fermés, de type anglais, avec une goutte triangulaire. Ils sont plus ou moins côniques, à terminaison ronde, plate ou à bec, et, cela, en fonction de la sonorité souhaitée.

    Le Corno di Amore a des canaux dans lesquels est enfilé un tube carton afin d'assoudir la sonorité.

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    Canal du corno di amore

    Les languettes ont une épaisseur qui varie entre 1,2mm et 0,12mm. L'épaisseur change invariablement tous les deux tuyaux par quart de dizième. Pour favoriser l'attaque et la rondeur, les languettes des basses sont munies de poids. Poids en laiton sertis dans la languette à la tessiture du 16 pieds (et pour le French Horn) ou en plomb collé sur la languette.

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    Languette du French Horn

    La pression favorise les attaques et l'attention à la qualité de la tournure n'est pas extrême. Mais les défauts sont largement masqués par l'éloignement. La longueur du résonnateur est très importante, au point que certains tuyaux doivent être accordés en modifiant cette longueur. C'est notamment le cas du Bassoon 16 dont les corps sont munis de coulisses de réglage.

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    Corps du Bassoon 16
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    Leurs bagues de réglage
  • les percussions.

    Totalement inconnues dans l'orgue français, elles tiennent une grande place ici. Bien évidemment, elles sont indispensables pour les effets de roulement, de cymbale, de triangle lors de l'utilisation des rouleaux automatiques. Nous en avons trois. La caisse claire, utilisable en roulement ou en percussion. Le Célesta en 8 pieds qui devient Harp en 4 pieds. Les Chimes ou carillon.

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    Les drums (batterie et roulade)

Le dernier élément spectaculaire de l'orgue est son système de lecture automatique à rouleaux.

Avec une collection de 262 rouleaux, le département possède l'une des plus grandes collections au monde.

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Le lecteur des rouleaux à la console

Le lecteur est constitué d'un mécanisme d'entrainement à bielles dont la vitesse est réglable et d'une flute de pan de lecture. L'espace est sous pression, le papier du rouleau défile devant la flûte de pan et l'air s'introduit dans les canalisations correspondantes. Il y a 120 trous répartis sur quatre canaux. Le canal droit correspond à la commande d'expression, le gauche à la pédale et les deux centraux à main gauche et main droite. Au sein de ces canaux, il y a des opercules de commande primaire et des opercules de commande secondaire. Les primaires sont placés sur le bord gauche de chaque canal. La commande primaire permet de définir le contacteur en fonction (que l'on appelle «pilot») au travers duquel va passer la commande secondaire. Ainsi on va pouvoir se déplacer très rapidement sur la tessiture des 73 notes de l'instrument pour chacun des trois claviers ou bien passer du mode de commande des notes à l'appel des jeux. A partir des 120 trous de la flûte de pan, on intervient sur plus de trois cents commandes différentes. Quelques astuces techniques permettent de gommer les défauts de passage d'un primaire à l'autre, en organisant des notes tenues lors du passage de la commande des notes à l'appel des jeux, par exemple.

La difficulté est de connaître l'interaction de chaque opercule car il semble qu'il y ait aussi des combinaisons de commandes particulières.

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Rouleau en cours de lecture

Le résultat musical est fantastique.

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